LA PÊCHE À ETRETAT
De son passé de village de pêcheurs, Etretat a conservé un ADN à fleur de port. Au cœur du pays de Caux, le long de la côte d’Albâtre, le va-et-vient des marées rythme le temps alors que l’air iodé dépose son voile salin sur les villes. Vivre avec l’océan. Ici la pêche est un quotidien que la criée rapporte en bacs bien frais pour des assiettes délicieusement goûteuses. Au filet, à la ligne ou à pied, la pêche se découvre et se déguste.
5h du matin, Halle aux poissons de Fécamp. Les étals se remplissent d’une pêche toute fraiche. Coquilles Saint-Jacques, bars, soles, daurades, lieus jaunes, lottes, cabillauds, crevettes. Les chalutiers reviennent de campagne avec de véritables trésors en cale. Fécamp a longtemps été un important port de pêche, autrefois réputé pour ses goélettes au large de Terre-Neuve et de l'Islande. Le tout nouveau musée des pêcheries de Fécamp retrace l’histoire de ces hommes courageux qui partaient de longs mois à la pêche à la morue dans les eaux glaciales de l’Atlantique Nord. A Etretat la tradition de la pêche a conservé quelques fervents défenseurs. Il y a Stéphane, pêcheur sur le Blue’s, un joli bateau d’une tonne qu’il remonte chaque jour sur la plage de galets grâce à un ingénieux système de treuil et de palettes. Des filets à l’étal, il n’y a qu’un pas et déjà les bacs se remplissent à même la jetée offrant à quelques chanceux le plaisir d’acheter un poisson de première fraicheur. Pour les coquillages, crabes et araignées, c’est à pied à marrée basse qu’il faut aller les dénicher. La pêche à pied est une activité ludique largement pratiquée, épuisettes et seaux comme seuls accessoires. Là sous les rocher lorsque la mer s’est retirée, les étrilles et tourteaux partagent leur refuge avec les coques, bulots et bigorneaux. Un peu plus loin à proximité de la porte d’Aval, les parcs à huitres se dévoilent. Construits en 1777 par le baron de Bellevert, ils accueillaient des huitres nées à Cancale puis élevées à Etretat où elles développaient un arôme particulier grâce au brassage des eaux salées de l’océan et des eaux douces des rivières souterraines. Transportées ensuite à Paris pour être vendues, l’histoire dit que Marie-Antoinette en était une grande consommatrice.
Tout ce terroir marin qui fait la typicité des villes côtières se retrouve naturellement dans les assiettes. Au Donjon, le chef Gabin Bouguet, défenseur d’une saisonnalité respectée et d’une pêche raisonnée, excelle dans l’exercice du retour de criée. Au menu, un turbo poêlé au beurre, râpé de saucisson des marins, condiment d’algues et carottes à la cardamome. En bouche, l’équilibre des saveurs atteint une justesse exquise. Le fumé du saucisson rencontre l’iode du poisson, les algues enrobent une carotte encore croquante et les papilles en redemandent. Simple, juste et tellement vrai. Le contre-pied terre/mer est la botte secrète du chef, qu’il propose également dans son « retour de criée, sanglier de chasse et châtaignes », un délicieux contraste à la gloire des produits du terroir. Dans les assiettes du Donjon, la pêche se déguste à pleines saveurs et exhale les parfums d’une culture héritée des siècles, celle des hommes et de leur savoir-faire.